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04 octobre 2020

Invitation de Saint François d'Assise à l'amour cosmique

 


« Loué sois-tu mon Seigneur, avec toutes tes créatures » (Cant. Sol. 3) s’émerveillait Saint François d’Assise devant l’immensité de l’œuvre divine. Par cette assertion qui semble moindre, mais profonde, le Poverello invite toute la création ou mieux le monde entier à magnifier le Très-Haut pour toutes ses merveilles, les créatures. Il invite celles-ci à la louange de Dieu. C’est dans cette optique que s’inscrit cette page en l’occasion de la Solennité de notre Père séraphique, saint François d’Assise, ce 4/10/2020.

La fraternité cosmique de saint François passe d’abord par cette louange, cet émerveillement, puis par la fraternité concrète avec les créés dans lesquels il reconnaît la grandeur et la splendeur de Dieu. Ainsi, il va s’engager à conclure un pacte de paix avec tous les êtres (notamment avec le Loup). Cette fraternité est mieux exprimée ou chantée dans le Cantique de Frère Soleil dont nous nous sommes inspirés mais sans l’avoir analysé dans ses détails. Pour saint François, l’Univers doit être pris en grande considération en le rendant plus habitable, car la vie de l’homme en dépend énormément. Eh bien, le Soleil représente toute lumière qui peut se trouver dans chaque élément du cosmos.

Par contre, aujourd’hui le monde se trouve dans le désespoir d’autant plus que la création dont l’homme est naturellement Frère, est méconnue et menacée. L’industrie, l’économie moderne…sont plus favorisées que la création elle-même. Cette situation causée soit par le « moi » soit par l’« ignorance » engendre –tout le monde est sans ignorer– un grand fléau : le réchauffement climatique. Et le sort de l’homme est, sans appel, une réelle catastrophe. Au fait, en méconnaissant ou encore en ignorant et en torturant la création (l’écologie et l’environnement), l’homme ne se rend plus compte de la providence divine. Au fait, louer le Seigneur à travers ses créatures, quelle nécessité dans le monde présent ?

Aujourd’hui l’Église ne peut pas se passer de la question de la fraternité cosmique voire écologique. Elle invite ses fidèles à magnifier le Seigneur pour tout ce qu’il met à leur disposition : la création. Saint François d’Assise comprit cette dimension en nous invitant à la louange du Créateur par le biais du Cantique de frère Soleil. 

LA LOUANGE CHEZ SAINT FRANÇOIS D’ASSISE

1. Louange pour toutes les créatures 


Saint François d’Assise voulut mettre le monde en état d’émerveillement ou d’attitude émouvante en voyant et en contemplant le mystère de la création. Dans cette attitude, tout le monde doit chanter : « Dieu de l’univers, le ciel et la terre sont remplis de ta gloire ! » Cette gloire est celle qui illumine tout créé. En effet, le Christ étant le premier-né de toute création (Cf. Col. 1,15-19), « tout l’ensemble provient de Lui, existe par Lui et pour Lui : à Lui la gloire pour les siècles ! Amen » (Rm 11,36). Si nous reconnaissons que c’est Dieu qui est principe et fin de toute chose, nous serions à même de le glorifier et le magnifier en tout et pour tout.

La louange de François à Dieu pour différents éléments de sa création est exprimée en quintessence dans le Cantique de Frère Soleil où il exprime son affection pour toute créature. A cet effet, Thomas de Celano écrit : « On n’avait jamais vu pareille affection pour toutes créatures » (2C165). François, en nous décrivant la douceur inondant de son âme…contemple le firmament et tout l’univers, fait revivre en nous une joie ineffable, nous renseigne Celano (Cf. 1C 80). « Cette sympathie et cette joie dit Eloi Leclerc, vont au plus profond : ‘‘Il appelait frères tous les êtres’’ »[1]. La nature en soi est belle et magnifique ; c’est pourquoi nous devons sans ambages admirer sa magnificence car en elle nous voyons le Créateur de l’Univers. Le Pape François citant Saint Jean-Paul II déclare : « Lorsque nous contemplons l’univers dans sa grandeur et sa beauté, nous devons louer la Trinité tout entière »[2]. Cette grandeur est exprimée jusque dans les plus petites créatures (Cf. 1C 29 ; 81 ; LM 8,6). Tous, nous devons cette reconnaissance à Dieu avec conviction ‘en invitant à l’émerveillement devant le mystère du créé »[3].


En outre, François d’Assise adhère et « participe à l’émerveillement du Créateur : ‘‘Dieu vit que tout cela était bon’’ (Gn 1,1ss). Devant chaque créature il pousse des cris d’admiration… »[4]. Il est ravi de voir et contempler par exemple le Soleil qui est beau et rayonnant avec splendeur et majesté, l’Eau très utile, précieuse et chaste… Par toutes les créatures nous sommes d’ores et déjà en lien avec le Créateur.

Soulignons la « petite plante » de François. Sainte Claire ne cessait de dire : « Béni sois-tu Seigneur ô toi qui m’as créée ! » (Proc III, 20). Toute la vie de Claire devient ‘‘hymne de louange et d’action de grâces’’ à Celui qui l’a créée, dirigée et gardée.

En plus, le Poverello d’Assise ne chante pas tout seul les merveilles de Dieu, il invite en même temps non seulement les hommes ais aussi tout l’univers à magnifier Dieu (Cf 3Let 26 ; 6Let 8). Il veut que, tous ensemble, nous louions Dieu avec toutes les créatures (Cant. 3). A cet effet, la louange de saint François « passe ici par une communion fraternelle avec toutes les créatures : ‘‘loué sois-tu mon Seigneur, avec toutes tes créatures’’ » écrit Eloi Leclerc. Et il enchérit : « Sa louange du Très-Haut est aussi une louange des créatures »[5]. Par cette invitation à la louange, saint François d’Assise exprime sa fraternité universelle car il appelle « frère » ou « sœur » tout ce qui existe : tout homme, tout animal, toute créature, tout être (LM 5,8 ; 2C165 ; LM 9,4 ; 1C 81). On va jusqu’à dire que c’est une fraternité universaliste parce que, enracinée, ancrée dans tout son être pour tous les hommes et toutes les bêtes.

François avait souligné dans sa Lettre aux Fidèles (61), le verset de l’Apocalypse (5,13) : « Que toute créature qui est dans le ciel et sur la terre et dans les abîmes rende à Dieu, louange, honneur et bénédiction ». François obéit à l’amour du Créateur, Splendeur et Majesté, quand il respecte et qu’il aime tout ce qu’Il a mis par amour à sa disposition. Au fait, il contemple et adore son créateur à travers la création, le premier don fait aux hommes, et invite tout l’univers à chanter la gloire de Dieu : « Ciel et terre, louez le Seigneur »[6] (Psf 14,6).

 

2. L’amour cosmique

L’univers regorgeant tout ce qu’il faut pour notre vie, doit être chéri, aimé. Comment ou pourquoi n’être pas fraternel envers le Soleil qui nous éclaire, l’eau qui nous permet la vie, la plante qui soutient nos forces tant physiques qu’intellectuelles, l’animal qui a un rôle non moins important dans la vie de l’homme : nourriture, économie, moyen de déplacement (cheval), … Qui peut haïr ces créatures si nécessaires pour tout homme ! « Chaque jour, dit saint François d’Assise, celles-ci servent à nos besoins, sans elles nous ne pourrions vivre et par elles le genre humain offense beaucoup le Créateur. Chaque jour aussi nous méconnaissons un si grand bienfait en ne louant pas comme nous le devrions le Créateur et le dispensateur de tous ces dons »[7]. Le cosmos en soi est plus fraternel que nus les hommes. En retour, nous sommes dans l’obligation de le garder et le sauvegarder tendrement à la manière de saint François d’Assise. L’enfant peut-il haïr sa mère qui, pourtant, veille toujours sur ses pas ?


Quand nous parlons de l’amour cosmique de saint François, nous voyons la passion qu’il avait envers toutes créatures. Dans son allégresse devant et dans le monde, l’âme qui fraternise avec toutes choses prend une couleur éclatante à l’instar du soleil. François célèbre la création, première manifestation de Dieu. Quoi qu’il puisse advenir, malgré toutes sortes d’aléas, le tout pauvre, « jusqu’à la fin de sa vie, il garda intact son enthousiasme pour l’éclat du soleil. Son cantique en est la preuve »[8]. Le soleil pour le Saint représente tous les éléments du cosmos. En les toutes créatures il ne voyait que « l’image » de Dieu, son Créateur. A ce sujet, Beguin affirme que « l’amour cosmique de François pour les créatures est en réalité un amour pléromatique : c’est Dieu qu’il voit en elles, qu’il reçoit par leur intermédiaire, c’est à Dieu qu’il remonte par elles, en les invitant à chanter avec lui la plénitude infinie de son amour »[9]. C’est pour cette raison qu’il L’appelle Souverain et Bien car en Lui toute chose trouve sa genèse et rien ne peut exister sans Lui.

L’amour qu’avait François pour l’univers renvoie à la fraternité cosmique par laquelle il « exprime la relation originale qu’il a nouée avec toute la création[10]. L’homme doit être à même de s’accorder au langage de la nature, et savoir communiquer avec celle-ci. François apprivoise les éléments que comporte l’univers quand il les appelle « frères » ou « sœurs ». Ainsi donc, « sans cet investissement affectif dans la relation aux choses et aux êtres, affirme Eloi Leclerc, les plus belles déclarations de fraternité sonnent faux »[11].  Il s’agit d’une sympathie inséparable de l’humilité susmentionnée, contraire à une pure et simple sentimentalité.

Au fait c’est un champ plus vaste de l’homme fraternel « cosmique ». Le Poverello d’Assise reconnait en outre, en tout être « la manifestation de l’amour de Dieu. Voilà en quelque sorte le contexte dans lequel peut s’entrevoir une relation digne entre l’homme et la création. En cet amour le Saint ne cesse de révérer et respecter tout ce qui existe[12].

Pour chanter, magnifier et aimer les merveilles de Dieu, il est très capital de s’abaisser d’abord devant le Créateur comme nous dit le psalmiste : « Jusqu’aux cieux ta splendeur est chantée par la bouche des enfants, des tout-petits » (Ps 8,3). C’est avant tout, se reconnaitre créature frêle, fragile devant la Providence du Dieu Tout-Puissant et Tout-Amour et que sans Lui nous ne pourrons rien, c’est Lui ‘‘Notre Tout’’. Le cantique de trois enfants dans la fournaise en donne l’exemple. La louange est chantée par les humbles de cœur (Dn 3, 87). Tout est, en toutes circonstances, invitation à la joie. Saint François « ne se contente pas de louer Dieu pour ses créatures ; il fraternise avec elles »[13]. C’est l’une de ses démarches d’adoration. C’est l’humilité qui est au cœur de cette fraternité, la pauvreté devant le « Plus Riche », Dieu. Sans cet aspect, personne ne peut penser à la reconnaissance des merveilles de Dieu. Dans cet état, François reconnaît « la paternité universelle de Dieu »[14].

En somme, il nous est lancé un défi en notre temps : sommes-nous reconnaissants de la beauté et de la richesse de la création ? Dieu nous donne tout ce qu’il faut à notre survie, mais nous sommes quelques fois errants en méconnaissant ses merveilles, sa beauté à travers toutes les créatures, aussi bien petites que grandes. Élevons donc nos voix vers ce Dieu tout bon et bau à travers le Cantique de Frère Soleil. La nature a besoin de respirer : et les hommes, et les bétails, et les oiseaux, sans oublier les herbes, bref la faune et la flore méritent aujourd’hui un entretien particulier. Sinon nous nous nous exposons nous-mêmes à la menace du changement climatique. Cher Frère, quelle action entreprends-tu là où tu résides pour que l’environnement soit favorable à toi-même et à tout le monde ?


Frère Faustin Paluku, ofm

Fr. Faustin Paluku Nzuki, ofm



[1] E. LECLERC, Le cantique des créatures, une lecture de saint François d’Assise, Ed. Desclée de

                       Brouwer, Paris, 1988, p. 61.

[2] Pape François, Let. enc. Laudato Si’, n° 238, du 24 mai 2015.

[3] Pape François, Let. enc. Lumen Fidei, n° 34, du 29 juin 2013.

[4] J-C. COMIRNADI, Quand la louange prend toute la place, Ed. Franciscaines, Paris, 1994, p. 195.

[5] E. LECLERC, Le chant des sources, Ed. Franciscaines, Paris, 1999, p. 27.

[6] T. DESBONNETS et D. VORREUX, Saint François d’Assise, documents écrits et premières

                                      biographies, Ed. Franciscaines, Paris, 1968, p. 167.

[7] C. FRUGONI, Saint François d’Assise, la vie d’un homme, Ed. Hachette, Paris, 1999, p.175.

[8] LECLERC, Le cantique des créatures, une lecture de saint François d’Assise, 71.

[9] P. BEGUIN, Le monde au Christ, le Christ à Dieu, Ed. Franciscaines, Paris, 1972, p. 163.

[10] COMIRNADI, Quand la louange prend toute la place, p 194.

[11] LECLERC, Le chant des sources, p 30.

[12] Cf. LECLERC, Le chant des sources,  pp 30-31.

[13] LECLERC, Le chant des sources, p 28.

[14] LECLERC, Le chant des sources,  p 29.


1 commentaire:

  1. Félicitation cher frère pour ces richesses recherches. C'est vraiment profond et scientifique. Svaka ti čast= Tout honneur à toi

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