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17 mars 2024

Commentaire de la Lettre Pastorale du Carême 2024

S.E. Mgr Richard Kazadi Kamba, Évêque de Kolwezi

5ème dimanche de carême « Soyons obéissant au plan de Dieu pour devenir artisans de la sauvegarde de la création »  (Jr 31, 31-34 ; He 5, 7-9 ; Jn 12, 20-33) 


I.  COMMENTAIRE

1. Dans la première 1ere lecture, notre Évêque S.E. Monseigneur Richard Kazadi Kamba  constate que l’homme, malgré toutes les interpellations qui lui sont faites pour la sauvegarde de la création, continue à pécher contre celle-ci. Heureusement que Dieu dans sa miséricorde lui pardonne et lui tend encore sa main pour une nouvelle alliance.  Monseigneur le dit en ces termes : «  Devant notre propension pécheresse à détruire la création, le Seigneur nous ouvre encore une nouvelle perspective de vie en acceptant de conclure avec nous une alliance nouvelle, car l’ancienne, nous l’avons rompue avec notre désobéissance. »[1].

2. Dieu conclut avec nous une nouvelle alliance, espérant que nous allons la respecter cette fois-ci. 

3. En réalité, l’alliance reste la même, mais Dieu change de méthode et fait qu’elle devienne vivante et dynamique. Sa nouveauté consiste au fait qu’alors que l’ancienne alliance était extérieure à l’homme (avec la Loi de Moise inscrite sur une tablette), la nouvelle est placée à l’intérieur même de l’homme : dans son cœur. Ainsi  notre cœur  nous avertira  chaque fois si nous commençons à nous écarter de l’alliance avec  Dieu.  

4. C’est ce que Dieu dira d’une autre manière au prophète Ézéchiel: « Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau ; j'enlèverai de votre corps le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon propre Esprit, je vous ferai marcher selon mes lois, garder et pratiquer mes coutumes. » (Ez 36, 26 - 27).

5. Quand nous faisons le mal, nous entendons  une voix qui nous dit au fond de nous-même : «  tu as mal agis », «  tu as mal répondu », «  Tu as dormi sans prier ». Voilà en quoi consiste cette Loi nouvelle que les psychologues et philosophes appellent : « la conscience ». Dieu dit de cette loi : « Je l’inscrirai sur leur cœur … au fond d’eux-mêmes» (Jr. 31, 33). 

6. Dieu va inscrire dans nos cœurs, c’est-à-dire dans nos  consciences sa Torah. Et va ainsi commencer à s’exprimer en chacun de nous. La plupart du temps, Dieu s’exprime en nous comme par écrit. Sa Loi est à déchiffrer dans notre conscience, dans notre cœur.

7. En effet,  chaque fois que je détruis la nature, je jette des ordures sur la route…une voix retentit en mois en me disant : «  Tu as mal fais, vas réparer ». Chaque fois que je jette sans raison des pierres sur un chien ou un chat qui passe calmement, chaque fois que je pêche les poissons avec les moustiquaires, chaque fois que je jette des bouteilles dans le lac… Cette voix crie en moi : « Tu as mal fais, vas réparer ». Mais chaque fois que je fais du bien cette voix  me dit : « Tu as bien fais, continue comme cela».

8. Malheureusement, certains n’entendent pas cette voix, tout simplement parce qu’ils l’ont déjà étouffée ou tuée. Ou bien cette voix est déjà ruinée et est devenue comme un ‘‘tableau de bord’’ qui fonctionne, mais qui donne des fausses indications, mais qui fonctionne tout de même. 

9. Pour que cette Loi intérieure continue à vivre en moi, il faut que je l’entretienne, que je l’éduque, sinon elle meurt. Et quand elle meurt en moi, c’est moi qui suis mort. Là, je suis un homme mort, même si je marche naturellement bien.

10. En effet, il y a des gens qui ne sentent plus aucune reproche quand ils jettent des papiers sur la route, quand après avoir vidé la bouteille d’un coca-cola, ils jette par la fenêtre de la voiture la bouteille vide avec une ‘‘conscience tranquille’’ , en réalité ce n’est pas une conscience tranquille, mais une  conscience malade.  

11.  Si on n’écoute pas cette voix intérieure, on écoute alors celle extérieure et on devient automatiquement relativiste : on relativise tout : on tue les autres créatures en ayant une conscience ‘‘tranquille’’ C’est ce qui arrive aux drogués qui volent, violent, violentent comme si c’était normal. 

12. Cette voix qui me parle ainsi, c’est l’Esprit de Dieu, c’est Dieu lui-même finalement qui me parle. Nous l’avons dit ci-haut avec Ezéchiel lorsque Dieu a dit : « Je mettrai en vous mon propre Esprit ». C’est ce que St Augustin découvrira après lorsqu’il dit :  « Tu étais au-dedans de moi et moi j'étais dehors, et c'est là que je T'ai cherché. Ma laideur occultait tout ce que Tu as fait de beau. Tu étais avec moi et je n'étais pas avec Toi. Ce qui me tenait loin de Toi, ce sont les créatures, qui n'existent qu'en Toi ».[2]

13. Ceux qui n’ont pas connu la Loi de Moise, ou ceux qui ne connaissent pas Dieu,  c’est sur base de cette loi intérieur que Dieu a inscrite au fond d’eux qu’ils seront jugés. 

14. Malgré tous ces méfaits, Dieu est toujours prêts à nous pardonner. Il dira par la bouche de Jérémie que nous avons entendu dans cette première lecture : « Je pardonnerai leurs fautes, je ne me rappellerai plus leurs péchés ».

15.  Nos premiers parents n’ont pas obéi au plan merveilleux de Dieu. Ils ont connu le premier péché écologique en cueillant le fruit qui leur était interdit ( Gn. 3,6)

16. « Tout ce que Dieu vit que c’était bon, après l’avoir créé, l’homme, par sa désobéissance, l’a souillé » dit Monseigneur Richard Kazadi[3]. Quelques fois nous condamnons Adam et Eve en disant que c’est à cause de leur désobéissance que nous souffrons ainsi. Mais, Adam et Eve n’ont désobéi qu’une fois ; et nous, combien de fois désobéissons-nous à Dieu, à nos parents… ? La désobéissance que nos premiers parents ont commise hier une fois ; nous, nous la commettons plusieurs fois aujourd’hui. 

17.Dans la 2ème lecture l’écrivain sacré nous parle aussi de cette désobéissance qu’il oppose à  l’obéissance du Christ. L’Évêque  dit «  ce dimanche, saint Paul nous rappelle que le Christ a appris l’obéissance et est devenu la cause du salut éternel. » [4]. Pour notre Évêque. «  la dégradation de la création par l’homme est l’effet du refus de l’homme d’obéir au plan merveilleux de Dieu sur et pour toute la création » [5] 

18. Le monde se dégrade parce que nous n’obéissons pas aux lois de Dieu. 

19. Dans l’Évangile, Jésus dit : « L’heure est venue où le Fils de l’homme
doit être glorifié. » (Jn 12, 23). De quelle heure s’agit-il ? certainement c’est de l’heure de sa passion qu’il parlait. Et pour cela, il recourt à  une parabole  écologique où Jésus déclare : ‘‘Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas,… il reste seul, mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. »  (Jn. 12, 24

20. La mort du grain de blé dont il est question, c’est chacun de nous qui doit accepter de mourir pour que les autres vivent, comme la bougie qui se consume, qui meure pour donner de la lumière aux autres. 

21. Le Seigneur dit : « Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle ». On peut se détacher de sa vie pour que les autres créatures vivent, non seulement les hommes, mais aussi les autres êtres crées par Dieu. Voilà pourquoi St François appelait les autres créatures ses frères et ses sœurs[6] et les protégeait toujours contre ceux qui leur en voulaient du mal.

22. Il y en a qui aiment leur vie, mais qui n’aiment pas la vie des autres créatures, qui les écrasent même, les tuent.  

23. Se détacher de sa propre vie par respect de la nature, c’est mourir en soi pour respecter la croissance normale des autres êtres.   Par exemple j’ai envie de  cueillir et de manger une  mangue qui est à l’arbre. Mais je vois très bien qu’elle n’est pas mure, elle est crue. J’accepte de faire mourir en moi cette envie,  afin que la mangue vive et accomplisse son court naturel de croissance, pour que je la cueille  au moment opportun. C’est cela mourir en soi en faisant vivre la nature.  

24.  Le Christ va recevoir la gloire mais aussi la création. En effet en lui tout sera récapitulé, tout sera restauré. C’est la glorification de la création que notre Evêque exprime en ces termes : «  la glorification de la création et de notre environnement de vie passe par notre participation à la passion et à la mort du christ, en mourant au péché qui dégrade la création et à la mort du Christ, en mourant au péché qui dégrade la création » [7]

25.  Pour conclure l’Evêque dit :«  Si Dieu est notre Dieu et nous son peuple, nous sommes invités à être obéissants au plan de Dieu pour devenir  artisan de la sauvegarde de la création » [8].

 «  soyons obéissants au plan de Dieu pour devenir artisans de la sauvegarde de la création, afin que nous unissions à sa passion et à sa Résurrection  pour une terre nouvelle, un nouvel environnement spirituel, physique, morale, socio-politique et économique, pour la gloire de Dieu et le salut du monde » [9].


II.  APPLICATION

1. Cherchez des exemples concrets où nous désobéissons  à Dieu face à ses commandements pour le respecte de la nature. 

2. Réfléchissez de quelle manière pouvons-nous former notre conscience pour qu’elle soit sensible chaque fois que nous violentons les autres créatures ? 

3. Avez-vous remarqué que chaque semaine l’Évêque fini  son message de sa lettre pastorale en recommandant de travailler «  pour une terre nouvelle, un nouvel environnement spirituel, physique, morale, socio-politique et économique, pour la gloire de Dieu et le salut du monde ». Pourquoi l’Évêque reprend-il toujours cette phrase comme un refrain ? C’est une insistance. Pourquoi cette insistance ?  


Fait à Kolwezi, le 16/03/2024

Par Frère Marcel Tshikez, ofm


[1] S.E. Mgr KAZADI KAMBA R., Evangile de la résurrection. Lettre pastorale pour le carême 2024,  p. 22.

[2] St Augustin. Les Confessions 10, 27.

[3] S.E. Mgr KAZADI KAMBA R., Evangile de la résurrection. Lettre pastorale pour le carême 2024,  p. 22.

[4] S.E. Mgr KAZADI KAMBA R., Evangile de la résurrection. Lettre pastorale pour le carême 2024,  p. 22.

[5]  Ibidem..

[6] Cfr Cantique des Creatures de St François.

[7] S.E. Mgr KAZADI KAMBA R., Evangile de la résurrection. Lettre pastorale pour le carême 2024,  p. 23.

[8] Ibidem.,  p. 22.

[9] Ibidem.,  p. 23.

04 mars 2024

"Allez, vous aussi à ma vigne" (cfr. Mt 20, 1-6)

Frère Adolphe Aganze, ofm

Chers frères, 

Que le Seigneur vous manifeste sa miséricorde et sa paix !

Aujourd'hui je suis très heureux d'être avec vous pour ce partage fraternelle au cours de cette récollection. Je remercie le frère maître Patient ILUNGA,ofm qui a voulu que je puisse passer ce moment d'approfondissement spirituel avec vous. Implorons donc ensemble le Saint Esprit de Dieu afin qu'il puisse nous illuminer pour écouter la voix de celui qui nous dit:” Allez vous aussi à ma vigne”.

Quatre points nous permettront de discerner ensemble sur cet appel precent du Seigneur.

1.La sortie du maître

Le royaume des cieux est comparable au maître d’un domaine qui sortit au petit jour afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne. Dans la Bible, la vigne est souvent l’image du Peuple de Dieu lorsqu’il tire sa vie du Seigneur. Et lorsque Jésus dira: Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments, il nous fait comprendre qu’il est le cep, la véritable vigne à laquelle nous sommes greffés et que nous ne pouvons vivre sans lui. Si c’est cela l’effet du baptême, ce dernier n’est pourtant quelque chose magique! Il ne suffit pas de tomber dans la marmite pour porter du fruit! En effet, si la vigne n’est pas travaillée, elle se développe de manière anarchique, est attaquée par toute sorte de champignons, les chênes, les herbes et en fin de compte meurt. La vigne a besoin d’ouvriers pour porter du fruit. Et c’est pour cela que si nous sommes la vigne, nous sommes appelés à en être aussi les ouvriers. La province dans laquelle nous appartenons aujourd’hui est une vigne dans laquelle tous en sommes ouvriers, cependant selon l’ordre d’arrivée donné par le vigneron, le maître de la vigne qu’est le Seigneur lui même qui appelle et envoie comme il veut, qui il rencontre et à l’heure qu’il veut. Ainsi, nous pouvons analyser ce choix d’amour du maître, l’envoi ainsi que la disponibilité des ouvriers pour travailler dans sa vigne.

2.L’envoi et la disponibilité des ouvriers 

Chers frères, nous savons tous que l’envoi implique la disponibilité, le fiat comme celui  de la Bienheureuse Vierge Marie à la vigne du Seigneur. L’envoi se fait de manière graduelle comme au temps d’Abraham, puis les Prophètes et enfin l’envoi du Fils unique, Jésus le Rédempteur. Le maître pose son regard miséricordieux sur les hommes et des femmes qui traînent sans travailler, son choix d’amour tombe sur eux et il les envoie dans sa vigne.

Le premier groupe est celui des ouvriers du point du jour, au bon matin car le travail se fait bien le matin ( les Bashi disent : Akasi kabasezi). Ce  sont ceux qui s’étaient levés très tôt, ils sont toujours disponibles. Ici, dans ce noviciat au sein duquel vous répondez à l’appel du maître de la vigne, ils sont en son sein les ouvriers de la première heure. Cherchez-les au milieu de vous! Nous avons l’équipe de formation issue de différentes promotions: Du gardien au maître, c’est un bel exemple. Par ici sont passés il y a 23 ans des frères qui vous ont précédés, nous pouvons dire qu’ils ont été de la première heure par rapport à vous et attendent leur salaire convenu par le maître de la vigne. Ils avaient dit comme le décrit la devise des scouts : Toujours prêts ! Mais dans le but de faire la volonté du maître de la vigne comme nous dit le psaume trente-neuvième : « Me voici Seigneur, je viens faire ta volonté » ( Cfr. Ps 39,7-8) et l’épître aux Hébreux qui en renchérit au 10,9. 

Plus généralement, les ouvriers du point du jour, ce sont ceux qui sont toujours disponibles pour servir. Qui ont accepté le détachement pour être prêts.

Cependant, vient le deuxième groupe d’ouvriers avec qui le maître conclut le même accord, la même convention de service et envoyé vers la troisième heure c’est-à-dire à 9 heure du matin; sorti de nouveau, le troisième groupe est envoyé vers la sixième heure et puis le quatrième groupe vers la neuvième heure. Ils se sont levés un peu plus tard et ils ne savent pas trop quoi faire de leur journée. Les désœuvrés, ce sont un peu ceux qui, au milieu de nous, se recherchent. Chers frères, notre société congolaise en particulier et africaine en général nous le démontre, la situation de l’Église Famille-de-Dieu en République Démocratique du Congo en est consciente du chômage systématique qui ronge le Pays. Ils ne savent pas trop comment s’y prendre avec la foi et encore moins comment l’annoncer. Pour vous ici, c’est le temps de la jeunesse spirituelle, c’est le temps du noviciat, le moment où vous  n’avez pas encore complètement trouvé vos places dans l’Église. Vous avez un peu peur de devoir sacrifier une part de votre vie si on se met à suivre le Christ. C’est le moment d’épreuves comme le définit notre Ratio Formationis Franciscanae. Pourtant le maître a besoin de ceux-là aussi. Ainsi, à eux aussi Il leur dit: « Allez, vous aussi à ma vigne » (cfr. Mt 20,4). Cette parole avait sûrement retenti à chacun de vous et continue à retentir: Vas, toi-aussi, à ma vigne. Ne crains pas. Je connais ton cœur, c’est moi qui l’ai façonné. Si tu viens à ma suite, tu découvriras une vie belle et pleine. Tu auras du travail à faire, sort de la place publique pour œuvrer aussi à ma vigne, tu découvriras le bonheur exigeant de l’amour vrai! Je ne prends rien, je donne tout! Cherche-moi puisque je me laisse trouver!(cfr. Jer 29,13-14). 

Enfin, le dernier groupe est celui embauché à la onzième heure, bien évidemment après ceux de la sixième et neuvième heure, cependant il reste encore du monde: les postulants comme les frères qui aspirent chez nous sont considérés dans cette catégorie. Chers frères, ce dernier groupe est celui de ceux qui ne méritaient pas, selon des critères humains, une embauche. Sans doute n’étaient-ils pas assez rentables. Comme ne pas penser, mes frères à ceux d’entre vous qui sont souffrants, qui se sentent inutiles, indignes, ceux à qui nos regards disent: reste où tu es! Je n’ai pas besoin de toi. Le Maître du domaine, lui, a besoin de ces personnes, de leur poids de sagesse, de leur poids de prière, de leur poids d’amour pour travailler à la vigne. Il leur dit aussi comme ceux de la première heure la même parole, le même écho retentit dans leurs oreilles:« Allez, vous aussi, à ma vigne » (cfr.Mt 20, 7). Malgré la question du maître qui bouscule les désœuvrés, le ton d’amour l’embarrasse beaucoup de voir qu’ils restent sans travail, c’est le cœur miséricordieux et compatissant qui invite et envoie.

Toi qui es peut-être abandonné par notre société, toi qui es malade, handicapé, pauvre,rejeté,émigré,prisonniers, chômeur, âgé, seul, je compte sur toi pour dire au monde entier ce qu’est l’amour. Tu as ta place dans le travail de la vigne! Personne n’est indifférent à mes yeux. Au contraire, le maître de la vigne ouvre la bouche comme nous le dit le prophète Isaïe : « Tu as du prix à mes yeux et je t’aime… »(cfr. Is 43,1-7).

3.Le salaire équitable et juste du maître de la vigne

 Chers frères , le Seigneur révèle qu’il a besoin de chacun de vous, qu’il n’est permis à personne de rester là, sans rien faire. En envoyant les ouvriers à sa vigne , le maître de la vigne finissait son envoi par cette expression chère : « … et je vous donnerai un salaire équitable » (cfr. Mt 20,4). L’appel ne s’adresse pas seulement aux frères prêtres et non prêtres, à vous qui êtes aujourd’hui novices; il s’étend à tous. Il faut donner ce que vous avons reçu, il ne faut pas thésauriser! Il y a tant de manières de révéler le visage de Dieu. Même étant encore novice; il ne faut pas attendre le moment de sortir de ce noviciat pour en conclure que vous êtes déjà embauchés dans la vigne du Seigneur. A chacun de choisir la sienne, sachant qu’il y a deux manières fondamentales que sont la prière et l’accueil inconditionnel de l’autre. Aller à la vigne, c’est faire en sorte que chacun découvre qu’il est aimé de Dieu. C’est faire en sorte que chacun devienne un sarment qui porte du fruit. Travailler à la Vigne, c’est vouloir que nous-mêmes et les autres soyons plus unis au Cep qui est le Christ! Et c’est là la vocation d’un noviciat, les formateurs et la Province attendent de vous des ouvriers disponibles, obéissants qui accomplissent la volonté du maître de la vigne et attendent le salaire équitable et juste de la part du Vigneron.

4.Les lamentations des ouvriers insatisfaits

Un noviciat n’est pas d’abord une structure, un édifice; c’est avant tout la Famille-de-Dieu, une fraternité qui n’a qu’un seul cœur et une seule âme. Lieu de la disponibilité et d’écoute à l’appel du maître de la vigne, lieu de l’exercice à l’obéissance: Saint François d’Assise disait: Si on me donnait un novice comme gardien, je lui serais toujours soumis et obéirais de tout mon cœur. Le maître de la vigne est étonné de voir certains se lamenter de son partage équitable selon la convention. Ces ouvriers manquent la sincérité à leurs engagements, ils murmurent en dépit de leur salaire équitable, ils se lamentent trop face à l'amour gratuit du maître de la vigne qui a “le droit de disposer de mes biens comme il me plaît ? Ou faut-il que tu sois jaloux parce que je suis bon ?”(cfr. Mt 20,15). Chers frères,  le noviciat est une maison de famille accueillante qui n’exclut personne. C’est une communauté eucharistique, un lieu d’action de grâce, une communion. Une communion qui est la communion de saints, la communion de ceux qui affirment: Tous nous avons part au même pain, tous nous ne formons qu’un seul corps. Et cela, frères, doit se sentir parmi vous, que cela soit palpable. Être appelé à travailler à la vigne du Seigneur c’est vous aider les uns les autres à vivre concrètement cette réalité, à accepter le salaire équitable sans murmurer à cause des préjugés d'avoir été embauchés avant l'autre, d'avoir porté le fardeau de la journée. Aimez-vous les uns les autres… car l’amour vient de Dieu! Soyez les révélateurs de cet Amour. Que soient à jamais bannis les sentiments de discorde, de jalousie face à la bonté du maître de la vigne pour son salaire équitable, de comparaison, d’envie… Tout cela vient du Mauvais! Le Saint-Père pape François écrit ainsi dans son encyclique Fratelli tutti sous l’inspiration de notre Père séraphique, je cite : « Fratelli tutti »,(cfr. Adm6,1) écrivait saint François d’Assise, en s’adressant à tous ses frères et sœurs, pour leur proposer un mode de vie au goût de l’Évangile. Parmi ses conseils, je voudrais en souligner un par lequel il invite à un amour qui surmonte les barrières de la géographie et de l’espace. Il déclare heureux celui qui aime l’autre « autant lorsqu’il serait loin de lui comme quand il serait avec lui »(cfr. Adm 25). En quelques mots simples, il exprime l’essentiel d’une fraternité ouverte qui permet de reconnaître, de valoriser et d’aimer chaque personne indépendamment de la proximité physique, peu importe où elle est née ou habite. Ce Saint de l’amour fraternel, de la simplicité et de la joie, qui m’a inspiré l’écriture de l’encyclique Laudato si´, me pousse cette fois-ci à consacrer la présente nouvelle encyclique à la fraternité et à l’amitié sociale. En effet, saint François, qui se sentait frère du soleil, de la mer et du vent, se savait encore davantage uni à ceux qui étaient de sa propre chair. Il a semé la paix partout et côtoyé les pauvres, les abandonnés, les malades, les marginalisés, les derniers ».

Chers frères, essayez donc d’être de bons ouvriers et non des hommes qui murmurent, c’est-à-dire de révéler le visage aimant de Dieu pour les autres. Alors la vigne trouvera sa place au milieu du domaine plus vaste du Maître. Ce domaine, c’est le monde. Vous avez à en être la lumière du monde  et le sel de la terre. J'ai lu un texte d’un prêtre belge au tant de la colonisation qui disait: Prêtre congolais, pourquoi faire! C’est comme s’il y avait eu, dans le cœur de celui qui l’avait écrit, un désir inassouvi et déçu. Eh bien, la réponse à ce désir, le noviciat peut la fournir si, grâce à tous les ouvriers, que vous êtes, il reste fidèle à sa vocation: être dans le monde le lieu de la communion des frères. Elle devient alors appel à la communion, révélatrice de la vocation de chacun à la communion avec Dieu et avec ses frères. En un mot, le noviciat doit être comme le disait le pape Saint  Jean XXIII :”la fontaine du village à laquelle tout le monde vient étancher sa soif.” N’ayez pas donc peur de montrer votre joie d’avoir répondu à l’appel du maître de la vigne, à son choix d’amour et le fruit du travail c’est la joie. Le Pape François l’a dit lorsqu’il proclamait l’année spéciale dédiée à la vie consacrée en 2015 en disant : Là où il y a les religieux, il y a la joie! Je vous recommande de lire ce texte si beau et magnifique pour votre vie consacrée et répondez sans relâche à l’appel qui vous est adressé : « Allez, vous aussi, à ma vigne ».

Joie et persévérance

Frère Adolphe Aganze, ofm

 

 

  

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