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10 octobre 2024

“La fraternité ou le vivre-ensemble”. Célébration de Saint François d'Assise 2024 à Timmins (Canada)

Frère Stéphane Kazadi, ofm

Les frères franciscains œuvrant dans le Diocèse Timmins se sont tous réunis à la paroisse saint Joseph de Timmins ce lundi 7 octobre 2024 pour célébrer Saint François d’Assise. Cette journée a connu trois grands moments à savoir: 

  • La conférence spirituelle ayant pour thème: “La fraternité ou le vivre-ensemble”. Cette  conférence était présentée par le frère Ghislain Miji, ofm  (Trouver le texte intégral au bas de la page).

  • La messe solennelle présidée par le frère Stéphane Kazadi, ofm. Cette messe a connu la  participation de quelques  paroissiens.

  • Le partage fraternel (Fête).

Les frères n’ont pas eu à célébrer seuls cette journée. Ils ont invité volontiers les abbés Richard Ngoy, Alexis Olenga, Justin Kabwik et le père Henri Touaboy, cssp. 

La journée s’est achevée sur la même note musicale de la joie fraternelle qui a rythmé le coeur de tout un chacun.


Frère Luc Nzita, ofm


Conférence spirituelle:

La fraternité ou le vivre-ensemble”

Après avoir lu la lettre à tout l’Ordre, au huitième centenaire des stigmates de Saint François, lettre du Ministre Général, quelque chose a attiré mon attention : Donner du temps à la rencontre avec le Seigneur

Le Ministre Général, nous rappelle, nous demande et nous propose de réfléchir sur : « Quels sont les temps que je consacre de manière privilégiée ou même exclusive, à la prière, la retraite, à m’isoler un peu des engagements et des contacts normaux » (le GSM) pour me consacrer exclusivement à Dieu ? Et puis, il ajoute, chacun de nous connaît la propre réponse sincère, dans l’intimité de sa conscience. 

Chers Frères, nous avons souvent tendance à l’oublier, et pourtant la vie consacrée en elle-même nous y soumet. C’est un devoir pour tout chrétien, tout prêtre, tout religieux, pour tout enfant de saint François. 

1 Compréhension du terme

La fraternité, avons-nous lu, suppose des rapports horizontaux. Cette situation a des conséquences parfois néfastes sur les rapports fraternels dans nos communautés religieuses. Le mot fraternité, mes frères, prend sa racine du mot latin « frangere » qui signifie rompre, briser, fracturer. On peut en conclure qu’il y a fraternité qu’entre ce qui est brisé, rompu. Le cas des vrais jumeaux (homozygotes) en est un exemple éclairant. Tant que les frères restent accolés, il n’y a aucune fraternité possible entre les deux frères siamois. La fraternité ne fonctionne qu’entre deux identités bien séparées, deux autonomies, mais qui acceptent volontairement de vivre ensemble. Chacun de nous est venu de sa famille ou du monde avec son bagage : ses idées, ses pensées, ses convictions…qui doivent nécessairement être transformées au Vivre-Ensemble ou en Fraternité. 

2 La Fraternité dans la Bible et les écrits de Saint François

En 2018, notre ancien  Ministre Provincial, André Murhabale avait écrit un message de vœux de Noël à toute la famille franciscaine de la Province St Benoît l’Africain, où il parlait bien sûr de la fraternité. La fraternité disait-il a un fondement biblique :

* Fraternité de sang

Exode : 2, 11 en parlant de 12 tribus de Jacob ;

Genèse : 13,8 Abraham dit à Lot, qu’il n’y a pas de discorde entre moi et toi car nous sommes frères. Ils étaient bien parents mais oncle et neveu semble-t-il. 

* Fraternité d’alliance : 

Au-delà de la fraternité de sang, il y avait aussi une fraternité d’alliance. Une alliance qui poussait les alliés à s’appeler frères et donc frères d’alliance. Lévitique : 19,17. A ceci s’ajoute des relations fraternelles qui servaient à exprimer les relations d’amour au-delà de la tribu : Psaume 133,1: Qu’il est bon, qu’il est doux d’habiter en frères, tous ensemble.

Act. 2,17 : Aimez vos frères. Les frères dont il est question ici ne sont pas forcément les frères de sang. 

Mt 23,8 : Vous êtes tous frères  (Nous sommes dans ce cas échéant). Const Gén de L’Ordre, Chap III

Pour Saint François 

Quant à notre Père Séraphique, il appelle tous, frères, c’est quand il dit notamment : « Après que le Seigneur m’eut donné des frères, personne ne me montra ce que je devais faire, mais le Très Haut lui-même me révéla que je devais vivre le saint Evangile ».  Mais également, quand il s’appelle lui-même frère comme dans cette bénédiction, Écrits de St François et Ste Claire, Cfr Testament de St François p 63 : « Et moi frère François, votre petit pauvre et serviteur, dans toute la mesure dont j’en suis capable, je confirme, au-dedans et au dehors, cette très sainte bénédiction ».

En ce qui le concerne, François vit une fraternité universelle : il sourit et  parle à tout ce qui est vivant, justement pour que chacun ait conscience de cette vie fragile mais si belle qui est donnée. 

Il aimait par exemple les fleurs mais il ne les cueillait pas. Il avait même réservé une partie de terrain aux herbes sauvages (dites mauvaises herbes) afin qu’elles y poussent en toute liberté. 

Voici un autre exemple de la fraternité universelle : Un bœuf qui meurt, les autres dans l’esprit de l’instinct grégaire, reviennent sur le lieu pour faire le deuil. En effet, si les bêtes peuvent faire le deuil en voyant leur semblable souffrir ou mourir, à combien plus forte raison les humains en qui il y aussi l’instinct grégaire bien sûr peuvent-ils être plus fraternels envers leurs semblables.

3 Reconnaissance et respect de la différence 

Nous avons dit plus haut que la brisure conduit à l’identité de chaque membre de la communauté. Là où il n’y a pas de reconnaissance de l’identité de l’autre, il y a un problème, il y a un conflit. Personne ne doit accepter que son identité soit mise entre parenthèses. Le mot identité est compris ici comme autonomie par rapport aux autres. Il faut partir de la brisure positive. Dès qu’on commence à nier l’identité de l’autre, on ouvre la porte à des conflits. En même temps que le « Je » reconnais le « Tu » (l’altérité), la vie fraternelle exige donc à la fois le respect mutuel et réciproque. La reconnaissance de l’identité de l’autre me semble fondamentale pour une vie fraternelle équilibrée et mûre. 

Là où manque ce préalable, il y a :

*Mépris de la culture, de la langue, de la manière de faire de l’autre. 

*Affirmations polémiques de sa propre culture qu’on croit injustement supérieure aux autres ou encore de son propre caractère qu’on croit le meilleur et qu’on veut à tout prix imposer aux autres. 

La fraternité, mes frères, n’advient pas par enchantement, (ou par opération magique), elle est le fruit d’une volonté commune de vivre ensemble malgré les différences. Et la vie fraternelle toute faite n’existe pas. Il n’existe pas de vie communautaire idéale. Mais il faut quand-même : 

a. Savoir se faire confiance

Il n’y a rien à espérer là où les personnes se soupçonnent à longueur de journées et où il est difficile de se faire mutuellement confiance. Mais la confiance elle-même entre nous soit dit, se mérite et se gagne. 

b. S’intéresser à la vie de l’autre. Cet intérêt donne de la joie et réconforte mon confrère ou ma consoeur dans sa vocation.  Cette attention particulière lutte contre l’indifférence et favorise un bon épanouissement de l’espace fraternel. L’attention à mon frère implique le dialogue avec celui-ci, s’intéresser à son apostolat, partager ensemble les soucis de nos apostolats et de nos activités. (Nous le faisons déjà dans nos rencontres, mais il faut le faire davantage ). 

c. Savoir garder la discrétion et la réserve sur la vie interne de la Communauté 

La vie fraternelle grandit et mûrit là où les membres savent se protéger et protéger la vie interne des membres et aussi celle de la communauté.

d. Avoir de la sollicitude pour des membres malades

Les frères et sœurs malades  constituent une catégorie fragile de nos communautés. 

e. Le repas et la récréation communautaire

Nos Constitutions le disent : « Le repas et la recréation en commun sont des occasions de vivre l’expression d’une authentique fraternité » (Nous allons pouvoir le faire encore en ce jour de fête)

f. Le soutien fraternel

L’apport du frère dans la vie d’un autre frère ou de chaque frère, est d’une importance capitale et c’est fondamental. Pleurer avec ceux qui pleurent et rire avec ceux qui rient. Nous sommes tous comme des malades qui nous ignorons : « La brebis perdue je la chercherai…je panserai celle qui est blessée, je fortifierai celle qui est malade. Ezék : 34,16

Apophtegme (une maxime) d’un soutien fraternel : Expérience des pères du désert

« Deux frères allèrent au marché pour vendre leurs produits. Et quand l’un se fut éloigné de l’autre, il tomba dans le péché avec une femme. Son frère vint, et lui dit : « Allons dans notre cellule, frère. » Mais il répondit : « Je n’y vais pas. » Et l’autre l’exhortait en disant : « Pourquoi, mon frère ? » Il dit : « Parce que, quand tu t’es éloigné de moi, je suis tombé dans le péché avec une femme. » Et son frère, désirant le gagner, se mit à lui dire : « Moi aussi, quand je me suis éloigné de toi, il m’est arrivé la même chose. Mais allons, faisons pénitence avec effort, et Dieu nous pardonne. » Et ils partirent annoncer aux anciens ce qui leur était advenu, et ceux-ci leur donnèrent des ordres pour faire pénitence, et l’un fit pénitence pour l’autre comme si lui aussi avait péché. Dieu vit le labeur de sa charité, et en l’espace de quelques jours, il révéla à l’un des anciens : « À cause de la grande charité du frère qui n’avait pas péché, j’ai pardonné au pécheur. » Voilà ce qu’est ‘‘donner sa vie’’ pour son frère. » Soutien mutuel, soutien fraternel.

Conclusion 

Frères, la fraternité est le fruit de l’effort et du compromis. Quelqu’un me disait, On est jamais frère par rapport à soi-même, on l’est par rapport aux autres sinon alors on ne s’appellerait pas frère. Ainsi donc on ne construit pas une communauté de vie des purs et des pécheurs. Le demeurer ensemble, le vivre-ensemble c’est se confesser ensemble pécheurs, ensemble pécheurs sous la miséricorde. 

Une fraternité sans vrai amour est un mot vide de sens ; et même si l’idéal de la fraternité n’est jamais atteint, tenons-nous la main dans la main ; deux vaut mieux qu’un tu l’auras, dit-on. Et recommençons mes frères car jusque-là nous n’avons rien fait.

Méditons sur notre vie fraternelle, en ce jour où nous célébrons notre frère, le père Séraphique François, et prions qu’il intercède pour chacun de nous ici et pour tous les frères et sœurs de l’Ordre.

Bonne célébration et bonne Fête à tous.  


Fr Ghislain Miji, Ofm 




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