Rome, le 8 décembre 2021
A tous les Frères Mineurs de l'ordre
A toutes les soeurs Pauvres de l'Ordre de Sainte Claire
Aux frères et amis de notre Ordre
Chers Frères et
Sœurs, Que le Seigneur vous donne la paix!
Je voudrais
m’introduire avec vous dans les sentiments de saint François, quand au cours de
la Noël de 1223, il exauça son impulsion inquiète et s’enfila entre les rochers
et les bois autour du village de Greccio. Non pas seul mais accompagné par ses
frères et par une humanité simple et pauvre, une humanité faite de paysans, de
gens humbles.
Ce qui a amené
frère François à vivre ce Noël ce fut le désir irrésistible de voir de ses yeux
la pauvreté dans laquelle le Seigneur Jésus voulut naître. Et cela afin de
croire que Lui – crucifié et ressuscité - était présent, vivant et glorifié
dans l’Esprit Saint, caché sous le peu d’apparence du pain jusqu’au jour de son
retour.
Claire vivra de ce même regard de stupeur et
d’amour qui nourrit sa foi et la concentre sur la pauvreté de Jésus, de sa
naissance, au long de toute sa vie, jusqu’à la Croix. La vie de Claire est
transformée et rendue en tout semblable au Christ pauvre, tout comme celle de
ses sœurs.
Voir et croire sont deux verbes, nous le
savons bien, centraux en saint François.
Voir nous rappelle l’aspect physique de la foi
de François: il ne lui suffit pas de penser, mais il veut voir avec ses yeux,
toucher avec ses mains, humer avec ses narines, entendre avec ses oreille,
savourer avec sa langue. En somme, toute sa personne, ses sens, sont mis en
mouvement par le désir, par ce qui l’émeut au plus profond. La foi est
simplement vie pour lui.
Je me demande si j’ai encore fort en moi le
désir de voir et de toucher le Seigneur. Peut-être qu’autre chose me touche
beaucoup plus. Alors j’ai besoin comme François de sortir de de ma zone de
confort et de me mettre en route vers un lieu divers et parfois hostile auquel
les bois et les rochers de Greccio font allusion. C’est ici que je peux écouter
à nouveau ce désir qui habite en moi, dans le gémissement–même de la création,
notre maison commune; voir le Seigneur Jésus dans le mystère de sa pauvreté et
de sa faiblesse, m’ouvrir et nous ouvrir encore dans l’Esprit à une rencontre
renouvelée avec Lui.
C’est par la joie que François a vécu
«physiquement» cette rencontre: il touche le corps du Seigneur dans l’Évangile,
lu et écouté chaque jour; il le voit dans le lépreux, chez ses frères, chez les
pauvres prêtres, chez les pécheurs; il voit la pauvreté de Jésus dans le paradoxe
de la condition humaine, magnifique et en même temps vouée à la mort. Il
observe dans les yeux cette fragilité, finalement libérée de l’amertume et de
la mort.
De la rencontre
avec Jésus fleurit pour lui la joie de la foi, le nouveau regard de l’homme
ressuscité qui voit la présence de Dieu en toutes les créatures et pour ce
motif le loue et Lui restitue tout bien.
Croire: la foi est
enflammée par cette rencontre qui m’a touché et a laissé son signe dans la
chair de ma vie. Notre croire individuel nait et est protégé par le grand «oui»
de la foi de l’Église. Voilà ce qu’accomplit ce voir, ce toucher et se laisser
rejoindre. Nous cherchons encore l’écho de ce «oui» dans le mystérieux voyage
que, par des voies diverses, tant de gens font vers le Mystère.
Un croire sans voir
pourrait réduire la foi à une idée, qui simplement n’a plus rien à voir avec ma
vie et s’effondre, même si, extérieurement, on continue à accomplir des gestes
religieux.
C’est la joie le signe que notre foi est
encore vivante; la tristesse et la lamentation sont la chambre à gaz de la foi
qui lentement devient narcotique, perd le contact avec la dimension «physique»
de notre chair, de la vie et se fait seulement intellectuelle ou moralisante.
Ou bien disparait.
Soyons vigilants, frères et sœurs bénis, car
cela peut aussi arriver à nous et en effet cela se produit quand: je considère
la foi comme automatique et je ne soigne pas avec créativité la vie de prière
dans le silence et la contemplation, je perds le contact avec la parole de
Dieu, je laisse l’Eucharistie devenir une routine, je ne recours pas
joyeusement au Sacrement de la Réconciliation, je sépare la foi de la vie, je
ne pardonne pas et je ne dépense pas ma vie pour les autres, je m’éloigne des
pauvres et je m’adapte à une vie commode et garantie.
Voir et croire, voici les pas de François,
désarmants dans leur simplicité et profondeur.
En ce Noël 2021 vivons encore l’attente du
Seigneur qui nourrit la foi. Il est présent dans le clair-obscur de ce temps
qui nous demande écoute, discernement et décision:
- la peur diffuse
de la pandémie qui semble ne pas avoir fin et nous transforme, y compris quant
au poste qu’y revêtent la science et la technologie, et cela partout désormais:
- la solidarité que
tant de personnes ont manifestée sur le terrain dans cette émergence, comme
nous n’y pensions pas;
- l’accumulation de
migrants et réfugiés à tellement de frontières, avec le sentiment d’impuissance
que cela provoque en nous;
- les signes
concrets d’accueil et d’ouverture à l’autre, en payant de notre personne;
- la souffrance de notre mère terre, rongée
par la douleur de tant de femmes, d’hommes et d’enfants blessés dans leur
dignité physique et morale;
- les signes de résistance et de
responsabilité pour l’avenir de la maison commune, surtout de la part des plus
jeunes.
- les foyers de
guerre, de terreur et de répression répandus dans le monde, et il y en a
tellement que ce n’est plus une nouvelle;
- le travail
silencieux de celui qui se fait de nombreuses manières ouvrier et médiateur de
paix et justice.
Cette liste pourrait continuer. Nous sommes
appelés à célébrer Noël les yeux ouverts et capables de voir cette réalité en
nous et autour de nous. Chacun de nous en partant de nous-mêmes faisons un pas
vers ce bois de Greccio, parmi les rochers, pour voir un Enfant qui nait
exactement dans cette pauvre réalité.
Pendant ce Noël je
crois que je suis et que nous sommes appelés à renouveler notre manière de voir
et de croire.
Ce qui le demande,
c’est le temps que nous vivons et qui consume toute sécurité, aussi celle
religieuse.
Ce qui le demande c’est la dynamique même de
la foi, qui est chemin, recherche, adhésion toujours renouvelée.
Ce qui le demande,
c’est notre vie religieuse, qui aujourd’hui réclame une profonde signification
rénovée dans les divers contextes où nous vivons de par le monde.
Et cette peur que
peut-être nous avons encore de Dieu nous le demande aussi: rappelons-nous que
Lui nous donne tout et ne nous retire rien; il s’offre lui-même à nous comme un
père fait pour ses enfants; il nous révèle son visage de miséricorde et de
grâce afin que vive notre humanité.
Ce qui nous le
demande c’est le fait qu’aujourd’hui la foi perd du sens pour la vie de tant
d’individus dans le monde et souvent aussi pour nous, qui avons choisi la suite
du Seigneur.
François nous
surprend comme toujours, et nous indique le chemin qui porte à Greccio, c’est à
dire vers les lieux distants, loin des grandes routes, pour redécouvrir
justement ici la possibilité d’un croire nouveau, riche encore aujourd’hui de
vie et d’avenir, à rechercher comme des pèlerins dans la nuit.
Mon souhait pour ce
Saint Noël de 2021 est tout en ceci : que nous puissions ouvrir les yeux dans
l’Esprit Saint et croire au mystère de la pauvreté de Jésus et de sa Très
Sainte Mère. Et de ces «yeux spirituels» laisser rallumer la flamme de la foi.
Enflammés par le feu de l’Esprit Saint, nous deviendrons de plus en plus
incandescents contre tout immobilisme gelé de notre cœur. Nous serons ainsi,
dans les différentes parties du monde que nous habitons, ce signe prophétique
que nous sommes appelés à être par vocation, présence du Christ crucifié et
ressuscité pour chaque frère et chaque sœur que le Seigneur nous donne de
rencontrer.
Voilà le signe
prophétique que François et Claire ont étés dans la chaleur de leur foi qui fut
une recherche humble - et non pas possession – de la Présence du Vivant dans
toutes les créatures.
Voilà le signe que
nous pouvons être chaque fois que nous ne craignons pas de voir et croire encore.
Joyeux Noël, frères et sœurs, et rappelons-nous mutuellement au Seigneur
qui vient.
Votre frère et serviteur
Frère Massimo
Fusarelli, ofm
Ministre Général
Source: https://ofm.org/blog/christmas-greetings-from-the-minister-general/
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