À tous les Frères Mineurs de l’Ordre
Aux Sœurs contemplatives de notre Famille
Aux Sœurs du TOR et aux frères et sœurs liés à notre Ordre
« Voici le jour que fit le Seigneur : exultons et réjouissons-nous en ce jour ! Parce que le très saint enfant bienaimé nous a été donné et il naquit pour nous en chemin et fut posé dans une crèche, car il n’avait pas de place à l’auberge »1
.
C’est ainsi que François a prié avec ses frères le jour de Noël.
Je désire faire de même avec vous, Frères et Sœurs très chers, en ce temps d’Avent et de Noël de 2023, traversé par les ombres et les lueurs de guerre et de violence en tellement de parties du monde, et pas en dernier lieu, sur la Terre bénie où le Seigneur a voulu naître et mourir pauvre et encore aujourd’hui poursuit son agonie.
La première invitation du psaume composé par François est celle à la joie, qui aujourd’hui parait de plus en plus difficile : comme d’être heureux, en effet, parmi tant de signes de mort et face à un avenir incertain ? Avons-nous droit à la joie alors que tant d’hommes et de femmes sont privés de la paix et de la propre vie ?
Et alors comment expérimenter et proclamer, justement aujourd’hui, la joie de l’Avent e de la Noël ?
On nous demande d’apprendre à reconnaître ce qui freine en nous l’expérience de la joie et de la paix.
Pour cette raison j’attire notre attention sur la présence en nous de ces « pensées mauvaises » - comme l’appelle la tradition spirituelle- et qui sont de vrais saboteurs de la joie et de la paix.
La gloutonnerie déforme notre rapport avec la nourriture, en créant l’illusion de nous gaver pour être satisfaits, et donc heureux ; pas seulement, elle développe en nous la luxure, qui déforme notre rapporta avec le corps et avec la sexualité qui ne sont plus vécus comme espace de rencontre mais bien de possession.
L’ire déforme notre rapport avec les autres parce qu’elle nous bloque sur nos idées et positions, que nous défendons à n’importe quel coût. On démasque ainsi en nous la vaine gloire et l’orgueil, qui déforment le rapport avec ce que nous faisons et avec Dieu, parce que nous occupons entièrement l’espace.
Nous voulons tout accaparer par peur de la mort, conne nous le révèle l’avarice, un rapport déformé avec les choses et avec l’argent Et voilà l’autre pensée qui déforme notre rapport avec 1 Office de la Passion XV, 6-7. l’espace, la mélancolie, le mal obscur qui nous assaille au midi de la vie, nous faisant croire qu’un autre lieu et d’autres occupations seront meilleurs pour nous et que personne ne le comprend, nous situant encore au centre de tout. Il n’y a pas de joie si nous vivons ainsi et pour ce motif la tristesse, qui nous agresse et déforme notre rapport avec le temps, abrégé par le sentiment maladif que tout passe.
J’ai voulu retourner à ces racines du mal antique qui existe en nous, parce que la violence du terrorisme et de la guerre, avec tout ce que cela provoque, nous met en contact avec ce puits profond de pensées et de sentiments qui corrompt en nous la paix et la joie.
C’est d’ici que nous pouvons nous découvrir coresponsables du mal présent dans le monde avec sa prétention de se substituer à Dieu. Le mal n’est pas une blague. Saint Paul dit qu’il y a quelque chose qui empêche la pleine révélation du Seigneur « dans la splendeur de sa venue »2 et nous ne savons pas ce que c’est. Nous savons cependant que nous sommes pèlerins et étrangers dans cette
lutte et donc dans l’attente de la venue du Seigneur. Pour cette raison ne nous effrayons pas, malgré les signes dramatiques des temps que nous vivons. Dans l’attente du Seigneur, en effet, nous sommes attentifs à les lire dans la foi, à changer le cœur et les actions grâce à son amour, « afin que Dieu soit tout en tous ».3
Permettons donc au Seigneur qui vient d’illuminer cette zone obscure présente en nous et de nous ouvrir aux vertus que l’Esprit effuse en nous. Comme nous le rappelle Saint François ce sont la joie et la simplicité, la pauvreté, l’humilité, la charité et l’obéissance : ce sont ces vertus qui confondent les mauvaises pensées et nous orientent vers le Seigneur 4, afin qu’explose la joie de la foi et de la suite du Christ, pour vivre une vie lumineuse et non pas résignée et triste.
Ce chemin est possible sur les pas de François, qui à Greccio accueille la venue du Seigneur dans l’Eucharistie, où « voici, chaque jour il vient à nous sous une humble apparence ; chaque jour il s’humilie comme lorsque des trônes royaux il vint dans le sein de la Vierge ; chaque jour il descend du sein du Père sur l’autel ».5
C’est l’abaissement du Seigneur qui nous ouvre la voie vers les sources de la paix et de la joie avec toutes les créatures. C’est en effet dans l’Eucharistie que nous pouvons restituer au Père, dans le Christ et dans la puissance de l’Esprit, cette création qui « gémit et souffre les douleurs de l’enfantement jusqu’à aujourd’hui».6
Paix, joie et gémissement de la création, non pas une joie à bon marché, mais la perfetta letizia (joie parfaite) que François a mûri de la Noël de Greccio jusqu’à la rencontre avec le Seigneur accueilli sur l’Alverne.
Il nous accompagne encore, avec tellement de personnes de bonne volonté en ces temps-ci, vers l’allégresse (letizia) découverte dans un enfant qui nait sur le chemin, comme tant d’hommes et de femmes qui fuient aujourd’hui les guerres, la faim et les injustices.
Une joie simple et vraie qui nous fait anticiper celle du retour du Seigneur que nous invoquons :
Maranatha, Viens Seigneur Jésus! Tu nous manques et aujourd’hui nous éprouvons avec douleur ton silence.
Est-ce justement dans ce tourment de l’absence que tu nous viens à la rencontre ?
Tu n’es pas loin de nous mais tu te laisses reconnaître. Donne-nous la foi de Marie, capable d’attendre !
Avec mes meilleurs vœux pour l’Avent et la Noël, comblés de sa paix pour tous !
Rome, 29 novembre 2023
800 ans de l’approbation de la Regula Bullata
Votre frère et serviteur,
Fr. Massimo Fusarelli, ofm
Ministre Général
Prot. 112739/MG-98
1 Office de la Passion XV, 6-7.
2 Cfr. 2Th 2,3-8b.
3 1Co 15,28.
4 Cfr. Salutation des Vertus, 10-15
5 Admonitions I, 16-18.
6 Rm 8, 22.