Lettre du Ministre Provincial.
À tous les frères de la Province et à la Famille franciscaine
à l’occasion de la fête de Saint François d’Assise
“François, va, construis mon Église…”
Chers frères et sœurs,
En ce jour où l’Église universelle et toute la Famille franciscaine tournent leur regard vers notre Père et Frère saint François d’Assise, je viens à vous avec un cœur rempli de gratitude et d’humilité. Appelé récemment à exercer le service de ministre provincial, je rends grâce au Seigneur pour la confiance qu’Il m’accorde et pour la fraternité qui m’accueille et porte dans ce ministère.
Je sais combien cette mission est exigeante et je la reçois non pas comme un honneur personnel, mais comme une responsabilité partagée avec chacun de vous, mes frères et sœurs. Notre vocation est collégiale et collective. Dans un esprit de synodalité, ensemble, nous formons un corps vivant, au service du Christ et de son Évangile, au cœur du monde. Donc, c’est avec humilité et confiance que j’accueille cette mission au service de notre Province, conscient que ce service n’est pas le mien seul, mais celui de toute une fraternité appelée à marcher ensemble derrière le Christ pauvre et crucifié.
L’appel de Saint Damien
En méditant sur le transitus et la pâque du Poverello d’Assise, il est impossible de ne pas revenir à cette scène fondatrice : François, priant dans la petite église en ruines de Saint Damien, entend la voix du Crucifié lui dire : “François, va, répare ma maison, qui, tu le vois, tombe en ruine.”
Au départ, François comprend cet appel de manière concrète et commence à réparer de ses mains les murs effondrés. Mais peu à peu, sous la lumière de l’Esprit Saint, il découvre que la mission est beaucoup plus vaste : il s’agit de rebâtir l’Église vivante, le peuple de Dieu, par une vie évangélique, fraternelle et missionnaire.
Aujourd’hui encore, cette parole résonne de manière forte pour nous. Le Seigneur nous le répète : “Frères et sœurs, réparez mon Église.” Cette invitation ne s’adresse pas seulement à quelques-uns, mais à toute la Famille franciscaine : frères, sœurs, laïcs engagés, jeunes en recherche… Chacun de nous est une pierre vivante, appelée à édifier un édifice spirituel (cf. 1 P 2,5).
Construire l’Église aujourd’hui
La première question serait de savoir ce que signifie construire l’Église aujourd’hui dans notre contexte congolais ? la construction de l’Église de Dieu dans notre contexte tourne autour de ces quatre dynamiques :
a. Revenir à l’Évangile
Comme François, qui a fait de l’Évangile sa règle et sa vie, nous sommes appelés à nous enraciner chaque jour dans la Parole de Dieu. Sans cet enracinement, notre témoignage s’affaiblit et perd le sens et l’authenticité. La reconstruction de l’Église commence dans la conversion personnelle et communautaire : accueillir l’Évangile, le vivre dans la simplicité et le partager avec joie.
b. Vivre la fraternité
Un des aspects de notre charisme est celui de la fraternité universelle. Dans un monde marqué par les divisions, les violences et les replis identitaires, nous avons à témoigner qu’il est possible de vivre comme frères et sœurs. Ce témoignage n’est pas seulement un défi, mais une mission prophétique qui nous demande de revenir à notre source, à la fraternité comme don de Dieu. Il s’agit de redécouvrir notre identité commune, à vivre des gestes concrets de fraternité dans la rencontre et la proximité à d’autres. Cette proximité nous permettra de créer des occasions de synodalité, de collaboration et de coresponsabilité en portant la fraternité comme mission franciscaine pour accueillir, pardonner, partager, écouter : voilà des gestes simples mais essentiels pour “rebâtir” l’Église synodale comme communion et famille de Dieu.
c. Être proches des pauvres et des blessés de la vie
François embrassant le lépreux reste une image forte de notre vocation. Rebâtir l’Église, c’est l’ouvrir toujours plus aux pauvres, aux exclus, aux marginalisés. Là où se trouvent les souffrances humaines, nous sommes appelés à être des signes d’espérance, à apporter une parole de consolation et des gestes de miséricorde. Dans le contexte de notre pays, ce ne sont pas des opportunités qui manquent pour vivre cette valeur évangélique et franciscaine. Nous pouvons facilement aller à la rencontre des blessés de la vie, visiter les malades, les enfants de la rue, les déplacés de guerres et de violences, leur redonner l’espérance et leur rappeler la dignité des enfants de Dieu. Pour cela, toute la famille franciscaine doit soutenir ou créer les initiatives pour défendre les droits des marginalisés et dénoncer les injustices qui les écrasent, même à petite échelle.
d. Annoncer la paix et la réconciliation
Notre société congolaise est blessée par tant de conflits, de haines et de divisions. Nous, disciples de François, sommes appelés à être des artisans de paix. Construire l’Église, c’est aussi travailler à la réconciliation entre les peuples, entre les communautés, et parfois même au sein de nos propres fraternités et communautés.
3. Encouragements pour la Province et la Famille franciscaine
Chers frères et sœurs, nous avons reçu un trésor : le charisme franciscain. Mais ce trésor n’est pas à garder pour nous ; il est à partager. Je vous encourage :
À renouveler nos fraternités locales comme lieux d’accueil, de prière, de partage et de mission. Une fraternité vivante est déjà une Église reconstruite.
À investir dans la formation permanente, afin que chacun puisse grandir dans sa vocation et offrir un témoignage crédible.
À renforcer la collaboration entre les différentes branches de la famille franciscaine (frères, sœurs, séculiers, jeunes franciscains). C’est ensemble, et non isolés, que nous pouvons répondre à l’appel du Seigneur.
À garder vivante la joie franciscaine, cette joie simple qui naît de la pauvreté évangélique et du don de soi. La joie est une force missionnaire : elle attire, elle réconforte, elle bâtit.
Très chers frères et sœurs,
Tout au long de cette année, notre famille ecclésiale et franciscaine a rendu grâce au Seigneur pour la célébration du VIIIe centenaire du Cantique du frère Soleil. Pendant cette année jubilaire, nous avons été conduits à redécouvrir la profondeur de ce chant inspiré, où François d’Assise, aveugle de corps mais illuminé par la foi, proclama la fraternité universelle de toute la création. Le Cantique a résonné comme un appel prophétique à la louange, à la réconciliation et au respect de la maison commune que le Père a confiée à nos soins.
Aujourd’hui, alors que nous clôturons cette commémoration, l’Église, l’Ordre des Frères Mineurs et toute la famille franciscaine ouvrent avec espérance et responsabilité une nouvelle étape : le VIIIe centenaire du Transitus de saint François, que nous célébrerons solennellement en 2026. C’est une grâce unique de passer de la contemplation de son chant à la mémoire de sa Pâque : car le Cantique conduit à la Croix glorieuse, et la louange de la création trouve son accomplissement dans la vie offerte du disciple fidèle.
La mémoire de la mort de François nous invite à imiter son humilité et sa joie, à raviver en nous le désir de vivre selon l’Évangile dans la simplicité et la fraternité, et à témoigner dans le monde d’aujourd’hui de la paix du Christ. Dans un contexte mondial marqué par les blessures de la guerre, de la pauvreté et des divisions, le message de François se révèle d’une actualité brûlante : il nous appelle à être des bâtisseurs de communion, des gardiens de la création et des témoins d’une espérance enracinée dans l’amour de Dieu.
Que cette transition d’un centenaire à l’autre soit un temps de grâce pour tous. Que le Seigneur, par l’intercession de saint François, nous donne de marcher avec joie sur les traces du Christ pauvre et crucifié, et de faire résonner encore aujourd’hui le Cantique de la fraternité et de la paix.
Conclusion et bénédiction
Frères et sœurs bien-aimés, alors que nous célébrons la fête de saint François, je vous invite à renouveler votre oui au Seigneur. Écoutons à nouveau la voix du Crucifié :
“Va, répare mon Église.”
La voix du Crucifié à San Damiano continue donc de résonner aujourd’hui. Cette parole ne s’adresse pas seulement à François, mais à chacun et chacune de nous, membres de la grande famille franciscaine. Elle est un appel pressant à être, dans notre temps, des pierres vivantes de l’Évangile, capables de réchauffer, réconcilier et renouveler le tissu de l’Église et de la société.
Je vous invite, frères et sœurs, à raviver le feu de notre vocation franciscaine. Là où nous vivons et servons, soyons signes d’une Église simple, pauvre et joyeuse. Dans nos couvents, nos familles et nos lieux de mission et apostolat, faisons en sorte que chacun qui nous rencontre puisse percevoir la tendresse et la caresse de Dieu et la fraternité évangélique.
À l’école de François, mettons-nous à l’écoute du Christ crucifié et ressuscité. Que la Vierge Marie, Dame Pauvreté, et tous les saints franciscains nous accompagnent dans ce chemin de conversion et de service. Qu’à la suite de François, nous puissions répondre : “Oui, Seigneur, fais de nous des instruments de ta paix, des bâtisseurs de fraternité, des témoins de ton amour et des porteurs d’espérance.”
Je confie notre Province et toute la Famille franciscaine à l’intercession de saint François et de sainte Claire. Que le Seigneur lui-même soit notre force et notre joie.
“Que le Seigneur vous bénisse et vous garde.
Qu’Il fasse briller sur vous son visage et vous prenne en grâce.
Qu’Il tourne vers vous son visage et vous donne sa paix
Que le Seigneur vous bénisse.”
Bonne fête à toutes et à tous !
Fraternellement votre frère et serviteur,
Fr. Georges MISANGE, OFM
Ministre provincial